On peut aujourd’hui interroger l’IA sur tout, et sans effort. Si on ne peut que se réjouir qu’une radiothérapie soit plus précise parce qu’une IA en aura amélioré les contours, la technologie ne pourra pas se substituer à l’acte, l’énonciation, la présence en corps. Avec la pénurie de soignants, d’enseignants, de juges, la tentation est pourtant grande de trouver un palliatif dans les algorithmes – qui, eux, fonctionnent sans s’épuiser. Pensés comme débarrassés de l’intentionnalité de l’homme et obéissant au principe de l’utilitarisme[1], ils auraient l’avantage de n’œuvrer que pour votre bien – permettant de surcroît de faire l’économie du transfert et des institutions. Mais l’algorithme méconnaît que la jouissance infiltre la langue. Si l’époque rêve qu’il soit conscient et éthique, elle se heurte à la « pourriture »[2] qui est la sienne : celle qui court dans les données que compulse l’algorithme et qui produit à l’occasion un chatbot raciste[3] ou disant à une anorexique de réduire son alimentation[4]. Ainsi, quand c’est à la machine qu’est remise la production du savoir, qui est responsable de quoi ? S’ouvrent alors des questions dans les champs cliniques, politiques, éthiques, économiques, juridiques, etc. – Que peut en dire la psychanalyse ?
Dans ce numéro, Anne Colombel-Plouzennec situe « la responsabilité forte » de la psychanalyse. Elle éclaire qu’il y a savoir et savoir, pas sans effet sur le vivant. Quelle est la différence entre le savoir de la science, celui de la machine et le savoir produit en analyse ?
J.-A. Miller indique que « maintenant, dans la civilisation hypermoderne, on a l’idée que le savoir scientifique, dans le réel, ça rate, ça va rater. Les organismes génétiquement modifiés, le nucléaire, ça ne génère plus la confiance »[5]. Il en va de même pour l’IA. Avec le portrait de Geoffrey Hinton, Séverine Buvat interroge ce qu’il en est alors de l’angoisse des savants.
Et la science-fiction, peut-elle nous enseigner quelque chose ? C’est ce qu’Aline Fayet a été chercher du côté de Bug, une bande dessinée d’Enki Bilal.
Dans le Décodeur, vous lirez sous la plume de François Brunet ce qu’est le « contrôle humain ». Ne manquez pas, en Bonus, ses éclairages précis sur les traductions juridiques.
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Sarah Camous-Marquis et Élise Rocheteau
Co-responsables de la Newsletter du Forum Campus psy 2024