Folies contemporaines

De « N’est pas fou qui veut » à « Tout le monde est fou » – Cycle d’étude 23/24 de l’ACF en VLB à Vannes-Lorient

Atelier clinique en présence de Damien Guyonnet,

psychanalyste, membre de l’ECF et de l’AMP.

Présentations de Stéphanie Ramat et Corinne Perrot

Argument

Chacun se souvient des Pensées pascaliennes. L’une d’entre elles, passée à la postérité, retient l’attention : « Les hommes sont si nécessairement fous, que ce serait être fou par un autre tour de folie, de n’être pas fou [1] ». On sait que l’articulation – promue par le Philosophe – entre sagesse et folie, sur fond de morale et de théologie reste la clé de lecture de son propos : au 17^è siècle, Dieu est encore dans le coup. Cependant, lorsque Pascal envisage par ailleurs que, tant pour « ceux qui sont dans le dérèglement [que pour] ceux qui sont dans l’ordre […], le langage est pareil de tous côtés. Il faut avoir un point fixe comme le port pour en juger [2] », c’est alors plus largement aux discours qu’il s’intéresse. Il pose ainsi une question cruciale : d’où s’énonce, se juge foncièrement que tel propos relève de la déraison ?

Notons que de « n’est pas fou qui veut [3] » à « tout le monde est fou [4] », c’est à cette même question que Lacan n’a pas cessé de s’affronter : longtemps convaincu de la carence d’un signifiant d’exception à même de rendre raison de la logique de la psychose, son étude de Joyce le mènera en effet à reposer le problème à nouveaux frais, au point de « nous entraîner dans une postmodernité où la psychose devient peu à peu un paradigme de la subjectivité contemporaine [5] ».

On se gardera pour autant de conclure trop hâtivement à la psychose généralisée. « Tout le monde est fou » signifie plutôt que notre époque, fossoyeuse décidée de la Tradition, tient désormais pour acquis que « tout le monde est normal [6] ». Résultat :  chaque parlêtre revendique aujourd’hui pour lui-même « des solutions non standard, bricolées, des inventions sur mesure et singulières de réaliser la structure [7] » – grain de folie, délire propre à chacun -, et qui n’excluent pas, selon le cas, la possibilité effective de la psychose.

Nous en discuterons à partir de la présentation de deux cas cliniques, en compagnie de Damien Guyonnet, notre invité.

David Oger

[1] Pascal B., Pensées (1670),  Paris, Flammarion, Coll « GF », 1993.

[2] Ibid.

[3] Lacan J., « Propos sur la causalité psychique » (1946), Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 176.

[4] Lacan J.,  Le Séminaire, livre XXIII, Le Sinthome (1975-1976), Paris, Seuil, 2005, p. 77.

[5]  Horne Reinoso V.,  « Point de folie à l’ère du parlêtre », La Cause du Désir, vol. 98, n° 1, 2018, pp. 67-71.

[6] Miller J.-A., « Tout le monde est fou », consultable en ligne : « Tout le monde est fou » – (congresamp2024.world)

[7] Horne Reinoso V., op. cit.