ADDICTIONS : REJET OU CHOIX DE L’INCONSCIENT ?
Effets d’interprétation dans les traitements par la parole des toxicomanes
La consommation de drogues quels que soient son intensite?, son rythme et ses conse?quences psychiques, somatiques et sociales, interfe?re avec le re?gime propre de la jouissance du corps et de la pense?e. Il faut supposer que c’est le but recherche?, voire une solution a? un proble?me. Les addictions, lorsqu’elles atteignent les appuis fondamentaux du sujet, ses liens aux autres, son inte?grite? physique, sa vie parfois, peuvent se lire comme une re?ponse en court-circuit e?vacuant la dimension de l’inconscient pour e?viter la rencontre avec un re?el que le sujet redoute. De quel re?el s’agit-il ? Quels sympto?mes ces pratiques tentent-elles de traiter ?
Certaines offres de the?rapies ont des affinite?s avec ce mode de re?ponse en court-circuit. « On obnubile, on tempe?re, on interfe?re ou modifie… Mais on ne sait pas du tout ce qu’on modifie, ni d’ailleurs ou? iront ces modifications, ni me?me le sens qu’elles ont… »1, remarque Lacan a? propos de la prescription du psychiatre – la mole?cule ignore si elle est drogue ou me?dicament… Les me?thodes re?e?ducatives qui usent des pouvoirs de la parole excluant l’e?quivoque et la dimension du transfert font le plus souvent re?apparaitre la fe?rocite? du re?el qui surgit dans l’impasse que rencontre le sujet. De?s lors, comment intervenir dans ces situations pre?caires entre la demande sociale et l’e?quilibre singulier ?
La toxicomanie te?moigne d’un acce?s des plus difficiles au lien amoureux. Elle se pre?sente pluto?t comme « un anti-amour », pointe Jacques-Alain Miller : « elle se passe du partenaire sexuel et se concentre, se voue a? un partenaire (a)-sexue? du plus-de-jouir. Le toxicomane appartient a? l’e?poque qui fait primer l’objet petit a sur l’ide?al »2. Le recours aux drogues donne l’illusion de pouvoir contourner le re?el par le biais d’un mode de jouir sans l’Autre. Comment le praticien peut-il en tenir compte dans son acte ?
Si le sujet est pris dans sa pratique de consommation, il l’est aussi dans le langage et la parole, ce qui laisse une place pour la rencontre. Or l’offre d’e?coute abonde. Les prescriptions des discours neurobiologiques, comportementaux, sociaux, anthropologiques, moraux, voire pe?naux recouvrent le re?el en cause dans l’addiction. Comment l’orientation psychanalytique se distingue-t-elle ? En particulier par l’interpre?tation : « Pas d’e?coute sans interpre?tation »3, souligne J.-A. Miller. Peut-elle percer le mur des produits, des prothe?ses, des pratiques addictives afin de border le re?el en cause ?
Comment le praticien ope?re-t-il pour que la partie se joue entre « rejet ou choix de l’inconscient » ? Le praticien oriente? par la psychanalyse fait le pari d’un traitement par la parole sous transfert pour ouvrir l’acce?s a? l’opacite? de cette jouissance dont le sujet addict est la proie.
Ce colloque interroge notre intervention dans ce champ, la fonction de l’objet drogue dans chaque cas rencontre?, les modalite?s de l’interpre?tation mises en œuvre et leurs effets dans la rencontre avec des sujets dits toxicomanes.
Les groupes TyA Toxicomanie & Alcoolisme, re?seau du Champ freudien en Europe et en Ame?rique latine, pre?senteront une diversite? de travaux a? partir desquels s’ouvrira une discussion, par viso, lors du 3e colloque international du 14 mai 2022 (14h-17h30 en Europe).
1. Jacques Lacan, Petit discours aux psychiatres, 10 novembre 1967, ine?dit.
2. Jacques-Alain Miller, The?orie du partenaire, Quarto N°77, 2002, p.6-33.
3. Pas d’e?coute sans interpre?tation, Revue La cause du de?sir, N°108, Navarin Ed., Juillet 2021.