LA PSYCHANALYSE À LA LUMIÈRE DU GAI SAVOIR DE RABELAIS
Les jouissances du corps et de la parole
Ce numéro spécial fait suite au colloque organisé à Tours, le samedi 24 septembre 2016, par la délégation tourangelle dans le cadre de l’Association de la Cause freudienne Val de Loire-Bretagne.
La Touraine est une terre d’écrivains : Balzac, Descartes, Ronsard, Rabelais. Aujourd’hui que ce colloque s’inscrit dans une série d’événements – toujours en Touraine – dont les deux premiers, étant à l’initiative de Françoise et Charles Schreiber, membres de l’École de la Cause freudienne. Le premier s’est tenu en 1996 Descartes, la philosophie et la psychanalyse et le deuxième en 1999 La psychanalyse au miroir de Balzac. En 2016, nous avons souhaité mettre Rabelais à l’honneur.
Et c’est parce qu’il fut l’inventeur du sinthome et du gai savoir, si chers à Lacan, que nos auteurs, Pierre-Gilles Guéguen, Sophie Marret-Maleval, Guy Briole, Pierre Naveau, et François Regnault, ont eu à cœur de se replonger dans ce banquet des mots et des corps que nous offre Rabelais… pas sans Lacan donc, pour nous instruire de ce carnaval si singulier.
*« C’est dans son texte Lituraterre que Lacan note avec intérêt le fait que « ce soit de nos jours qu’enfin Rabelais soit lu ». Prenons cela au mot. Rabelais peut en effet être resitué dans la perspective d’une histoire de ce que Lacan appelle le sinthome. Cette histoire irait ainsi, à travers la diversité des langues, de Rabelais à Joyce et Beckett en passant par Jonathan Swift et Laurence Sterne. Lacan indique, dans le séminaire RSI, que le symptôme s’est en effet d’abord centré sinthome et que « c’est Rabelais qui, du sinthome, a fait le symptôme ». On trouve en effet ce mot dans le chapitre 63 du Quart Livre.
Il est donc proposé ici d’aborder, avec Rabelais, le rapport au savoir, à la guerre, au phallus, à la dette et à la parole. Rabelais et Nietzsche se rencontrent sous le signe du gai savoir, lorsqu’ils critiquent, l’un et l’autre, certaines méthodes d’éducation. Ainsi Lacan oppose-t-il, dans sa « Télévision », le gai savoir, qui est une vertu, à la tristesse, qui, elle, est, selon Dante, un péché.
Dans « Situation de la psychanalyse en 1956 », Lacan met l’accent sur le rapport de la parole à la vérité en évoquant l’apologie des paroles gelées que l’on peut lire dans les chapitres 55 et 56 du Quart Livre.
Le symptôme n’est-il pas aussi cela ? Une parole gelée qui, par le biais de la subversion de la métaphore qui le tient captif, se dégèle et devient précisément le mot du symptôme. »
(Extrait de l’argument de Pierre Naveau)
« Amis, répondit Pantagruel, à tous les doutes et questions par vous proposées comporte une seule solution, et à tous telz symptomates et accidens une seule medecine. La response vous sera promptement exposée, non par longs ambages et discours de parolles : l’estomach affamé n’a point d’aureilles, il n’oy goutte. Par signes, gestes et effectz, serez satisfaits et aurez resolution à vostre contentement. »
François Rabelais, Le Quart Livre.
SOMMAIRE
PRÉFACE
5. Laure Naveau
LA PSYCHANALYSE À LA LUMIÈRE DU GAI SAVOIR DE RABELAIS
7. La psychanalyse à la lumière du gai savoir de Rabelais, les jouissances du corps et la parole – Pierre Naveau
11. Carnavalesque et psychanalyse – François Regnault
17. Lacan et le gay sçavoir de Rabelais – Pierre-Gilles Gueguen
31. L’expansion de la langue bavarde – Sophie Marret-Maleval
45. Impossible d’escaboter – Guy Briole
55. L’invention d’un symptôme – Pierre Naveau