Avoir la foi, ou « avoir les foies » !
Seconde soirée du cycle de l’année « Dieu est inconscient »
Deux fois après avoir pris la parole à Rome, Saint des saints de la religion catholique, Lacan réitère, en se prêtant aux questions de journalistes. C’est ce « Triomphe de la religion » que nous mettons à l’étude lors de cette deuxième soirée. Lacan ironise sur la place de Dieu, du Père. Il évoquera les trois positions intenables : éduquer, gouverner, analyser. À celles-là s’ajoute une quatrième : celle du savant, place que Freud n’avait pas cité. De la science, il n’a pas osé dire que c’était une religion, mais n’est-ce pas le cas ? La croyance en la religion s’est-elle déplacée sur la croyance en la science [[1]], dont l’expansion est caractérisée par « la forme galopante de son immixtion dans notre monde » [[2]] ?
L’injonction à découvrir et à inventer nous rend aujourd’hui dépendants de la science : par sa promesse d’affranchir l’homme de son réel et d’augmenter les satisfactions humaines par l’effacement de la clocherie, « l’homme a trouvé […] un nouveau maître » [[3]]. « Il n’y a donc pas de science sans croyance » [[4]]. La science cherche perpétuellement un savoir pour effacer le réel, mais aboutit finalement elle aussi à l’angoisse : les savants, avec leur foi décidée, finissent par « avoir les foies » [[5]], ce qui atteste de la présence de l’objet. Lacan souligne que la science finit, par ses croyances, à mettre le vivant en péril, au nom du bien-être de l’humanité.
La science vise le ça marche, alors que la psychanalyse vise le ratage, les symptômes, l’inhibition, l’angoisse qui sont des modes, des noms de ce réel chez chacun. À cet impossible nommé réel, il y a plusieurs solutions : donner du sens, côté religion ; réduire le réel en l’enserrant dans des équations, côté science. Et la psychanalyse alors ? Comment opère-t-elle sur le réel ? À quel Dieu croit-on quand on a terminé son analyse ? Lacan disait qu’il faut une longue ascèse analytique pour parvenir à l’athéisme. « En un mot : avec du pire, faire du rire, non du père » [[6]].
Quelle qu’elle soit, la croyance est à interroger tout comme sa maniabilité. Peut-on se questionner ? Peut-on ne pas y croire ? Peut-on cesser de croire et en rire, passant du destin tragique à l’ouverture à la contingence et la comédie ?
Le cartel préparatoire est constitué de Jeanne Joucla, Céline Kagan, Mihalis Manoussakis (Plus-un) et Stéphanie Tran Chau.
[1] Fajnwaks F., « La croyance dans l’enseignement de Lacan », IRONIK, no 49, décembre 2001, publication en ligne.
[2] Lacan J., « La science et la vérité », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 855.
[3] Miller D., « Tous aliénés à la science », Lacan Quotidien, no 114, décembre 2011, publication en ligne.
[4] Bassols M., « Science et confiance », La Cause du désir, n° 90, juin 2015, p. 68.
[5] Lacan J., Le Triomphe de la religion, Paris, Seuil, 2005, p. 74.
[6] Miller J.-A., « Remarque sur la traversée du transfert », Comment finissent les analyses, Paris, Navarin, 2022, p. 128.
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